L’autre, c’est nous

Ça fait trois ans, quasiment jour pour jour, que j’ai déménagé à la campagne. Un direct Pantin-Périgord.

L’autre jour, je discutais avec mon maraîcher et il m’a dit qu’il votait RN. Rien d’étonnant me direz-vous, dans le village où j’habite l’extrême-droite avoisine les 50%, mais quand même, ça m’a fait tout drôle d’entendre des propos antisémites dans la bouche de gens de mon âge.

Comme le moment est à l’expression de ses convictions personnelles, je me dis que vous ne verrez pas d’inconvénients si j’apporte ma petite contribution bouddhiste à ce schmilblick (puisqu’en ce moment il faut montrer patte blanche, sachez que ce mot est inventé et n’a pas d’origine ethnique définie 🙃).

Car si je suis honnête, il faut bien l’avouer : je ne suis pas si différent de mon maraîcher. Moi aussi, je me surprends parfois à avoir des pensées racistes, xénophobes, ou sexistes. Sans y faire attention, il y a des phrases horribles qui me traversent l’esprit. Quand je les vois apparaitre, j’en ai honte. Et je m’efforce qu’elles ne transparaissent pas dans mes paroles, encore moins dans mes actes et qu’elles demeurent dans la déchèterie de mon brouhaha mental comme dit mon ami Jonathan.

Quand 40% de l’électorat vote pour des candidats si ouvertement dans la haine de l’étranger, ça peut être tentant de les traiter de stupides et d’imbéciles. Pourtant, l’autre c’est moi. Ces gens ils ont peur. Ils sont comme moi, ils sont parfois ignorants. La différence tient peut-être à ce qu’ils croient très fort à leurs peurs alors que je m’efforce de les regarder se dissiper. Que la vie a fait que j’ai eu la chance d’être au contact d’autres cultures et donc je sais que l’autre c’est de l’or.

Donc lorsque je croise des gens qui votent extrême droite (j’ai déjà hâte d’être à l’entraînement de tennis ce soir à Périgueux), je me comporte envers eux, comme vis-à-vis de moi-même quand je suis apeuré ou ignorant : avec tendresse et désir de connaissance. Je vous livre ma stratégie : elle a été de potasser toute la matinée d’hier pour me faire une liste d’arguments précis pour contester la vision du RN sur les sujets qui me semblent importants. Si l’occasion se présente, comme ça je suis prêt à défendre mon point de vue. Je ne cherche pas à les convaincre, juste à honorer ce que je crois être important, précieux, et qui mérite d’être protégé.

Ceci étant dit, je n’oublie pas non plus le vide intersidéral dans lequel prospère ces angoisses : celui de n’avoir aucun projet politique séduisant pour nous fair battre le cœur, nous qui souhaitons une révolution spirituelle, féministe, technologique, écologique et poétique. Nous qui refusons que le projet consiste à simplement retarder l’échéance où notre planète sera un caillou en feu, dérivant à vitesse constante dans l’espace. Donc avant de critiquer ceux qui votent n’importe comment, demandons-nous ce que nous avons fait nous pour faire émerger un horizon de désidérabilité. Car mon voisin qui vote RN est comme nous, il a tout aussi envie de croire en un futur.

Merci d’avoir lu ma petite digression, courage les ami.es

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