L’intronisation à la méditation
C’est à l’été 2015, âgé de 25 ans, que je découvre la douleur psychologique.
Sans signes annonciateurs, je sombre dans la dépression. Ou plutôt, je chute, aspiré au ralenti dans un gouffre sans fond que les gens ayant connu pareil épisode connaissent si bien. Un slowmotion infini.
Au passage, je découvre les nuits blanches, les vraies. Celle où le soleil se lève, sans qu’à un instant le mental ne se soit arrêté. Comme en ébriété d’avoir trop ruminé. Cette souffrance a duré des mois. Rétrospectivement, elle a été aussi une grande chance. C’est à cette occasion que j’ai rencontré la méditation.
Confronté à mon mal-être intérieur, je commence à m’intéresser au fonctionnement du mental. Je vois combien je tourne en boucle en cherchant des solutions à un problème insoluble, épuisant ainsi mes capacités cognitives. La roue du hamster ne s’arrête jamais.
Pour essayer de m’en extirper, je mène l’enquête. Comme souvent, un livre arrive au bon moment : Pour une sagesse moderne: Les psychothérapies de 3e génération, de Yasmine Liénard. J’y lis le mot “méditation”. Je le connaissais, mais pas dans ce contexte.
Hop, copier-coller sur Google. Magie, je découvre que des retraites sont organisées autour de chez moi. La prochaine commence dans deux semaines. Je m’inscris comme on se marie à Las Vegas, sans bien mesurer les conséquences. Quelques nuits blanches plus tard, je m’assois dans un bus qui m’amène à Dhamma Mahavana, un centre à l’ouest de la Californie, où une magnifique pagode dorée surmonte une colline avec une végétation sèche et parsemée d’énormes rochers. Tout semble un peu irréel. C’est parti pour 10 jours de méditation intensive, sans avoir jamais médité.
J’arrive dans le hall central, lumières tamisées, silence total à l’exception des murmures de gens à l’extérieur et des glissements des pieds nus sur le sol. On me présente mon zafu. J’y pose mes fesses, et j’ai l’impression d’être arrivé, enfin. Pas sauvé, loin de là, juste arrivé. Quasi arrimé.
La méditation ne m’a pas guéri de ma dépression, mais elle y a grandement contribué, en complément de l’aide d’un thérapeute et des médicaments.
Je ne vais pas vous mentir, la retraite fut dure. Car c’est difficile de méditer avec une volonté proche du néant. Pourtant, au 6e jour, alors que cela fait des mois que je suis dans le brouillard total, n’étant plus qu’un vague ectoplasme, à peine l’ombre de moi-même, je retrouve cette sensation si étrange que j’avais même oublié : la joie. Elle crépite sous la peau. Cela faisait si longtemps !
Comme beaucoup, c’est la souffrance qui m’a conduit — presque invité — à la méditation. Des années plus tard, elle est toujours dans ma vie.
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